Rosa Parks, le nouveau symbole d’un quartier de Paris

Rosa Parks, le nouveau symbole d’un quartier de Paris

Le 19 décembre sera inaugurée la gare RER Rosa Parks dans le 19ème arrondissement de Paris, en même temps qu’un Mur–forum long de 400 m, du 104 au 164 rue d’Aubervilliers, dédié à cette femme qui fut le symbole de la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis. Après un collège, une station de tramway et un centre social, c’est tout un quartier qui porte aujourd’hui son nom. Depuis le 4 Octobre, un cycle d’ateliers-débats animés autour d’artistes streetart décide de ce qui sera la plus grande fresque de la capitale.

-> Des informations et un programme sur le site Rosa Parks fait le mur. 

IMG_9272« Paix. », c’est le mot que les habitants ont écrit sur leur mur, le samedi, jour d’ateliers, au lendemain des attentats du 13 novembre. Au bas des immeubles qui ont vu grandir les frères Kouachi, les associations militent pour la « reconquête de l’espace public », une reconquête qui passe par l’art et la participation de la population. A l’heure où l’état d’urgence et les mesures sécuritaires tentent de conjurer un état de fait, il est important de chercher toutes les causes qui ont amené à ces situations gravissimes de terrorisme et de massacres prémédités. L’abandon des quartiers pendant des décennies devrait être au centre de toutes les préoccupations publiques. Une raison de plus pour saluer cette action soutenue par les mairies du 19ème et du 18ème arrondissements. Plus qu’une fresque, cette initiative engage les habitants à se réapproprier la rue, à intervenir et à discuter les choix artistiques, aux cours d’ateliers et de débats. Comme un appel à la paix et à la résistance civique, l’enjeu de la dignité d’un quartier passe par son embellissement et la garantie du plaisir de la promenade, le véritable gage d’une paix civile.

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Rosa Parks, une femme emblématique de la résistance pacifiste

« Elle s’est assise pour que nous puissions nous lever » a dit Jesse Jackson. Le 1er décembre 1955, il y a tout juste 60 ans, Rosa Parks fut emprisonnée pour avoir refusé de céder sa place à un Blanc dans le bus. Après son arrestation dans ce Sud raciste du fond de l’Alabama, les associations laïques et religieuses se fédèrent au sein du Mouvement pour le progrès de Montgomery, présidé par un jeune pasteur venu d’Atlanta, Martin Luther King. Si elle n’est pas la première, Rosa Parks cristallise la revendication des droits civiques aux Etats-Unis. Elle produit l’étincelle qui déclenche la lutte contre la ségrégation aboutissant dix ans plus tard, lorsque le Voting Rights Act permettra à tous les citoyens de voter.

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« Rosa Parks, c’est tout un symbole, explique la directrice artistique de la fresque Véronique Drougard avec Vittorio Parisi, un symbole de lutte et de non violence, de plus, c’est une femme. Cinq artistes participent au projet dont quatre femmes, car la place de la femme dans l’espace public est une problématique très préoccupante, qui se reflète aussi dans le Street art, où 90% des artistes sont des hommes. Le plus important dans une action comme celle-ci est de faire participer les habitants, les décisions sont prises en commun. » Des ateliers se déroulent deux fois par semaine, des rencontres sont également organisées et coordonnées par l’association GFR, dont l’action avait déjà été saluée dans le quartier de la Goutte d’or. Le mur de la rue d’Aubervilliers se prolonge sur le Pont Riquet en face du « Cent quatre » par une galerie à ciel ouvert, initiative de l’association Rstyle qui invite des artistes issus du graffiti, parmi lesquels, JonOne, Batsh, Combo, Doudou Style, Zeer, et Vinie, à réaliser leurs œuvres dans des encadrements dessinés sur le mur.

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Une vague d’art pour la paix

Derrière l’entrepôt d’une usine, le mur de la rue d’Aubervilliers trace une frontière, l’investir, c’est se réapproprier un espace public perturbé par la violence des bandes, au carrefour de territoires rivaux, théâtres d’affrontements entre les jeunes. « Une réalité avec laquelle nous devons composer dans le choix des sujets et des interlocuteurs », insiste Martial Buisson le directeur et fondateur de l’association GFR.

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Transformer une ligne de front en lieu de promenade, un pari audacieux, qui doit son succès à l’intelligence des organisateurs et l’engagement des artistes choisis et militants. «  Jusqu’à aujourd’hui la fresque n’a subi aucune dégradation, voir les artistes travailler jusqu’à très tard suscite une certaine admiration chez les jeunes. » Explique Veronique Drougard qui précise la nature de son travail « Nous avons tenu à rassembler des artistes engagés et de nationalités différentes, pour multiplier les regards. Cependant, de même que les artistes dialoguent avec la population, ils doivent dialoguer entre eux, il était hors de question de cantonner chacun dans un pan de mur précis, nous avons donc réfléchi à créer une œuvre commune, qui se mêle dans une continuité, comme une vague »

1 Mur-Forum Rosa Parks en crÇation (c) GFR, VÇronique Drougard

©Veronique Drougard

Une vague. La fresque qui se dessine aujourd’hui n’a rien d’un mémorial. Rosa Parks sert de source d’inspiration pour une métaphore poétique sur la laideur et la beauté du monde. A la place du portrait de l’icône américaine, la newyorkaise Tatyana Fazializadeh affiche des photographies d’habitantes du quartier accompagnées de slogans comme « cet endroit j’y ai ma place » ou « Les femmes peuvent tout faire ».  La vague calligraphique du toulousain Zepha entraîne dans un flot régulier, les entremêlas rythmés des couleurs et des signes. Des mots s’intercalent et semblent scander les pas du passant.

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Ces mots, la parisienne Kashink les transpose en visages colorés dans la tradition mexicaine, des visages avec deux paires d’yeux qu’elle traduit en mots d’amour, « mon petit loup », « mon écureil »,  « mon cœur » .

2 Mur-Forum Rosa Parks en crÇation (c) GFR, VÇronique Drougard

©Véronique Drougard

Des mots que les habitants ont condensé en un seul « Paix ». La paix sert de terreau sur lequel germe les arbres, dont les feuilles sont emportées de nouveau par la vague de Zepha. La femme couchée de la nantaise Katjastroph surgit des flots, en noir et blanc, comme l’humanité qui accouche d’un monde terrible, illuminé d’étoiles noires, éclairé par la souffrance. Les atrocités se déroulent en intestins d’angoisse.

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L’étincelle se produit pourtant, quand la main en noir et blanc rencontre la main en couleur. Kashink tire à son tour les fils multicolores, en alignant les visages allégoriques des femmes de la paix, précédées par une immense corbeille de fruits, dans une accumulation de joie.

aubercorbeilleLa vague de Zepha absorbe les fruits autour d’un vortex en forme de disque, comme un vinyle qui diffuserait la mélodie de sa calligraphie universelle et réinventée autour des arabesques orientales, latines et celtiques.

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Au plus lumineux des abstractions de Zepha, Katjastroph dessine la fumée qui s’échappe du  feu des hommes. La vague reprend et se déverse comme une écume de mots lisibles, des mots de chansons, des mots slogans aussi puissants que le nom de Rosa Parks.

aubermotA l’autre bout du mur, l’envol des oiseaux migrateurs, en bleu, vert et or, de la colombienne Bastardilla transporte les migrants, au delà des frontières, libérés des murs, soufflant tous les mots, charriés comme les vagues de Zepha et portés par le vent d’une révolte pacifique.

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Lucie Servin

Une fresque à découvrir terminée à partir du 19 décembre,

Renseignement sur le site de Rosa Parks fait le mur

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