La sélection 2013 pour le prix Artémisia

 

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[chap]Voilà six ans que le prix Artémisia existe, récompensant chaque année des auteures (scénariste ou dessinatrice) de bande dessinée pour valoriser la création au féminin. Pour ce cru 2013, onze albums de style et de graphisme très différents, reflet de cette création.[/chap]

“J’ai fait un rêve, moi aussi. J’ai rêvé d’une mixité des genres, notamment dans le domaine des images, quelles soient ou non narratives, de cinéma ou de bande dessinées.” Introduit Chantal Montellier fondatrice et présidente du jury. La dessinatrice fait figure de pionnière à une époque où la BD féminine n’existait pratiquement pas. Elle milite déjà depuis les années 1970 pour la reconnaissance de cette création. “A l’heure où nous sommes, l’imaginaire et les images des femmes semblent toujours être à libérer, toujours à connaître et reconnaître. Nous y travaillons car il nous semble que l’émancipation des femmes passe aussi par la libération de leur imaginaire.”, explique-t-elle. Les frontières bougent et même si aujourd’hui les femmes sont plus présentes dans la sphère de la BD, elles ne représentent toujours que 10% de la création. Et Chantal Montellier d’en conclure : “Parce que la bande dessinée, destinée à tous et très largement diffusée, reste un média dominé par l’imaginaire masculin, qui véhicule des stéréotypes souvent écrasants.” C’est pourquoi en 2008, est créée l’association Artémisia afin de récompenser chaque année une dessinatrice/scénariste pour faire valoir cet imaginaire.

Placé sous le patronage d’Artémisia Gentileschi (1593-1653), le prix revendique l’héritage de cette artiste qui n’a vu son talent reconnu qu’à la fin du XXème siècle, après que son œuvre fortement influencée par le viol qu’elle avait subi fut attribuée à d’autres artistes masculins. Artémisia sert de témoignage fort sur la place de la femme et le traitement de la création au féminin même si d’aucuns considèrent encore que ce genre de prix souligne le clivage entre les hommes et les femmes au lieu de participer à la mixité. C’est oublier le pouvoir des images dans l’élaboration de notre inconscient collectif. Les canons, les symboliques, les esthétiques ou plus généralement toutes formes de représentations jouent un rôle crucial dans le socle commun qui nourrit notre imaginaire. A l’origine de ce constat troublant sur l’écrasante majorité de la production masculine en bande dessinée, le prix Artemisia trouve en écho une raison d’être pour amplifier la voix de cette minorité féminine.

Proclamé le 9 janvier, date anniversaire de la naissance de Simone de Beauvoir, le prix est choisi à travers une liste d’ouvrages sélectionnés par le jury, annoncée autour de mi-décembre. La sélection de cette année reflète l’esprit militant de l’association mettant en valeur les œuvres en fonction de l’originalité et de la qualité dans un esprit de découverte et d’indépendance.

–       Charonne-Bou Kadir de Jeanne Puchol . éditions Tiresias

–       Dessous de Leela Corman . Cà & Là

–       En silence d’Audrey Spiry . KSTR

–       Euclide de Cecily . Même pas mal

–       Je suis bourrée mais je t’aime quand même d’Anaïs Blondet . Onapratut

–       La Geste D’aglaé d’Anne Simon . Misma

–       La petite peste philosophe de Vanna Vinci . éditions Marabulles

–       La Ronde de Birgit Weyhe . Cambourakis

–       Le Livre des nuages de Fabienne Loodts . Warum

–       Les Filles de Montparnasse de Nadja . Olivus

–       Tu mourras moins bête t.2 de Marion Montaigne . Ankama

 

 

Que résonnent les vers de Rimbaud, choisis par l’association, en attendant la proclamation du prix le 9 janvier.

“ Quand sera brisé l’infini servage de la femme,
quand elle vivra pour elle et par elle, l’homme – jusqu’ici abominable – lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi !
La femme trouvera de l’inconnu ! Ses mondes d’idées différeront-ils des nôtres ?
Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses; nous les prendrons, nous les comprendrons ”.