What the Fuck !
Je me suis demandée si j’allais écrire sur les attentats, agitée par des vagues de sentiments contradictoires, une marrée montante de tristesse, refluant par pudeur. Je pourrais rendre compte de ce que j’ai lu, tenter d’argumenter pour convaincre ou partager mon opinion. Je vous laisse apprécier la situation. Informez-vous, c’est à dire posez-vous des questions. Les réponses vous concernent. Je sais seulement qu’au lendemain d’un carnage, les conflits ne se résolvent pas d’un claquement de bombes. L’émotion commande quand on a la tête dans le sang. On pleure. On pleure en silence de chagrin et d’impuissance. On pleure de rage et de révolte. On pleure aussi de réconfort, parce que ça fait du bien.
Comme les autres, je suis touchée, comme les autres, j’ai des poussées de lyrisme, des envies de prises de conscience et de monde meilleur. Ce qui se passe en bas de chez moi me touche forcément. Paris c’est ma ville, ma vie et d’un seul coup c’est la mort. Le traumatisme existe. Sans aucun doute, il faut combattre cette barbarie. J’ai peur du terrorisme mais j’ai aussi peur de nous-même, de nos slogans et de nos drapeaux. Je lis des témoignages de sympathie pour notre culture et notre savoir vivre, je vois brandir la liberté et les droits de l’homme, j’entends parler d’un pays de dialogue et de médiation. Tous ces mots, la réalité des derniers jours les dément formellement. L’état d’urgence va être prolongé pour trois mois, la riposte militaire se durcit. La guerre l’emporte. Le chaos impose des mesures d’urgence, gouverne un état de fait qui malgré les mesures d’austérité, trouve les moyens de financer des opérations militaires. La paix s’éloigne. J’ai du mal à écrire. Malgré le reflux qui m’intime de me taire par humilité et par décence, je sens des relents de dégoût face à l’instrumentalisation de la souffrance. Pour l’heure, je pense aux blessés, aux proches des victimes. Le deuil leur appartient et le silence s’impose.
Lucie Servin