Anaïs Nin, sur une mer de mensonges de Léonie Bischoff
«
Avec Anaïs Nin, j’ai conscience de toucher au mythe. Le plus difficile est de
se détacher des sources et de toutes les informations biographiques qu’on
recueille au fil des lectures. Mon but n’a jamais été de faire une
thèse. » confie Léonie Bischoff qui s’attaque ici à une des personnalités
les plus fascinantes du XXème siècle. Femme à la réputation sulfureuse, Anaïs
Nin (1903-1977) reste surtout connue auprès du grand public pour ses nouvelles
érotiques comme celles compilées dans le recueil bestseller, Venus Erotica, qu’elle écrivait dans les
années 1950 pour se faire de l’argent. Elle a pourtant écrit des romans, des
poèmes et un Journal qui détaille, au fil des décennies et sur des milliers de
pages, ses expériences, ses relations intimes et son rapport à l’écriture.
Littérature de confidence, source d’anecdotes historiques, la réception des
journaux d’Anaïs Nin est à son image, ambivalente et multiple. L’artiste a
d’ailleurs veillé à ne pas publier la totalité des pages de son vivant et du
vivant des personnes impliquées dans sa vie. Les passages parus à la fin des
années 1960 donnent à sa voix une résonnance pionnière dans l’esprit de
libération sexuelle des années 1970, tandis que la version non expurgée éditée
dans les années 1980 a changé le regard sur son œuvre et permis de la
considérer au-delà de la muse d’Henry Miller ou des artistes qu’elle a côtoyés
comme une écrivaine à part entière, complexe et dérangeante. Léonie Bischoff
mûrit son projet depuis près de huit ans. Son Anaïs est née des impressions
laissées par ses journaux, enrichies de la correspondance entre Nin et Miller.
En adaptant son trait aux vibrations d’un crayon à la mine multicolore, la
dessinatrice puise librement dans la sensualité de cette matière intime et
littéraire. Elle célèbre l’érotisme créateur de son modèle et à travers elle,
une émancipation par la création.
La naissance d’une artiste
Des vagues déferlent sur une tempête de nuages. Après un naufrage, Anaïs s’échoue sur un rocher. Elle se réveille dans sa chambre, au milieu des livres. Dans ce prologue muet, Léonie Bischoff joue des chatoiements d’un crayon magique qui mélange les trois couleurs primaires. « D’emblée, je voulais donner beaucoup de place au plaisir visuel. Ces séquences oniriques rendent hommage à la revendication poétique très forte dans l’écriture d’Anaïs Nin. On lui a suffisamment reproché l’hermétisme de ses romans. Le dessin fait entendre cette poésie et me permet d’intercaler des planches qui rappellent ses collages littéraires, en m’inspirant des métaphores végétales ou marines très présentes dans son style. Il y a une esthétique kitsch de l’éclosion, de cette sève qui monte avant la floraison que j’assume car cette symbolique universelle fait partie de son œuvre. » Anaïs Nin accompagne Léonie Bischoff depuis des années. La dessinatrice se souvient de l’époque où, encore étudiante à l’Ecole Saint-Luc de Bruxelles, elle tombait pour la première fois sur une version expurgée du Journal : « Ces pages concernaient le début des années 1930, la période que je traite dans mon album. C’est le moment où Anaïs rencontre Henry Miller et sa femme June, où elle découvre la psychanalyse, où elle explore ses désirs et sa sensualité. Je me suis reconnue dans ce qu’elle vivait face à la création, son bouillonnement et ses blocages. On assiste à la naissance de l’artiste qui s’ouvre à elle-même en prenant confiance en elle, qui apprend à s’assumer telle qu’elle est en s’autorisant des libertés qu’elle s’interdisait auparavant. C’est d’autant plus fascinant dans les versions non expurgées du journal où elle creuse dans les détails de ses relations intimes. » Fille d’un célèbre pianiste et compositeur cubain et d’une cantatrice danoise, Anaïs Nin a onze ans quand son père abandonne sa mère et ses deux frères avec qui elle part vivre aux Etats-Unis. Marquée par cette séparation, la jeune fille commence à écrire une lettre à son père pour lui donner des nouvelles et le convaincre de revenir. Peu à peu, le Journal s’installe dans sa vie et les mots accompagnent sa construction, l’incarnent. Ils deviennent ses « laboratoires de l’âme », comme Henry Miller avait surnommé sa maison de Louveciennes.
En 1931, la rencontre avec l’auteur du Tropique du Cancer, – livre dont Anaïs financera la publication et écrira la préface- occupe une place centrale dans l’album de Léonie. Miller amène le tourbillon joyeux, une insouciance qui enchante comme une célébration païenne, un accomplissement. Anaïs Nin est alors mariée à « Hugo » ; Hugh Parker Guiler, un banquier américain d’origine irlandaise qu’elle a épousé en 1923. Le couple vient de s’installer à Louveciennes. Anaïs n’a encore rien publié. Elle planche sur son premier livre : un essai sur l’écrivain anglais D. H. Lawrence (1885-1930) dont le dernier roman, L’Amant de Lady Chatterley a été condamné pour obscénité. Avec Lawrence, elle confronte déjà sa psyché aux normes des relations amoureuses et aux rôles assignés aux hommes et aux femmes dans la société. Par la danse, elle découvre son corps, le flamenco éveille sa sensualité. Sa relation fusionnelle avec Miller, de douze ans son aîné, engage la métamorphose corps et âme. « Chez Anaïs Nin, le corps est toujours lié à l’esprit. En regardant ses photos, je suis aussi en quelque sorte tombée amoureuse de son image, très changeante selon les clichés. Avec son visage ovale, ses sourcils épilés et ses grands yeux, autant elle a parfois le modelé parfait des films muets de son époque, autant elle est parfois plus étrange. Elle est jolie, mais elle a surtout quelque chose d’envoûtant. Ce charme, il fallait le retrouver dans le personnage d’Henry. Mais il existe beaucoup moins d’images de Miller de cette époque. A partir de deux photos prises à Louveciennes, j’ai improvisé sur sa calvitie et ses lunettes rondes pour le caractériser. Miller est quelqu’un de très sympathique, à l’aise partout, il vit au jour le jour. La pauvreté ne lui fait pas peur. Il trouve toujours quelqu’un pour le nourrir, le loger et lui prêter de l’argent. C’est un contemplatif qui sait profiter de l’instant. Anaïs et son mari sont tout l’inverse. Issus de la bonne société, bien élevés et respectueux des convenances, ce sont des intellectuels qui se questionnent trop pour savourer la simplicité de la vie, pour lâcher prise. » confie Léonie.
La mer des mensonges
Instants suspendus, moments d’extases, avec Miller, pour la première fois, Anaïs traite d’égale à égal, elle n’est pas la muse et lui le créateur : il se fondent dans la création et s’enrichissent mutuellement. Léonie dessine cette éclosion et se laisse porter graphiquement par cette fusion créatrice. Mais Anaïs reste aussi une femme dans une société qui ne cautionne pas moralement ses actes ni ses fantasmes. Anaïs ment et s’invente des personnages, des rôles à jouer qui s’adaptent en fonction de ses relations. Elle se taille les costumes de l’épouse modèle et de la maîtresse sur mesure pour chaque amant. « Les mensonges sont ma liberté » écrit-elle. Dans ce Journal où elle confie ses secrets, ce refuge où elle met à l’épreuve sa sincérité, où elle fouille au cœur de son intimité pour révéler tous les aspects de sa personnalité, elle revendique surtout le droit aux mensonges, au nom de la liberté de créer, pour faire de sa vie une œuvre d’art. « Pour Anaïs, le mensonge lui permet de vivre les multiples vies qu’elle a envie de vivre en même temps. Mais en cherchant cette liberté, elle se crée aussi énormément de contraintes avec une logistique infernale pour arriver à ne pas se trahir elle-même. Elle s’enferme dans ses rôles, même dans son Journal où elle se veut sincère, elle s’habille de fioritures, elle embellit, elle romance. Elle réécrit ainsi certains passages, reformule, bricole, joue avec la chronologie des événements et multiplie les versions en fonction des interlocuteurs. Elle ne se laisse jamais aller au naturel. Cette manière de procéder m’a aussi donné une légitimité pour interpréter ses écrits » explique Léonie. A la fin de sa vie, Nin conservait même des fiches pour ne pas se perdre dans tous ses personnages. Les secrets emprisonnent. Le Journal devient son « vice ». Elle y revient sans cesse pour donner sa version, décrire ses relations aux autres. « Dans cette période, Anaïs a aussi de nombreux passages dépressifs, des expériences traumatisantes que je ne pouvais pas gommer, car ces moments plus sombres marquent les étapes de son parcours, construisent sa trajectoire. Son intérêt pour la psychanalyse répond ainsi à sa détresse. Mais en couchant avec ses deux premiers analystes René Allendy et Otto Rank, elle se démontre à elle-même qu’elle n’a pas besoin d’aide. C’est très ironique. » ajoute la dessinatrice, qui a préféré mettre en avant l’affirmation de l’artiste plutôt que le prix à payer pour cette indépendance et les revers de la solitude. « S’il est difficile de naviguer sur la mer des mensonges, je garde l’image positive d’une Anaïs qui parvient à manœuvrer son bateau et à gonfler ses voiles. C’est pourquoi l’album se termine sur l’espoir d’un nouveau départ. »
Le puzzle Nin
Entre Proust et Virginia Woolf, les flots de mots emportent chez Anaïs Nin vérités et mensonges. En se racontant, Anaïs se trouve et se perd, multiplie les identités et les reflets. Ses recherches accompagnent son processus de ressassement, de réécriture, d’analyse. Elle revit par l’écrit les sensations qu’elle emmagasine, replonge dans les instants de ses expériences, au centre d’elle-même. Léonie a construit son récit pour faire entendre cette polyphonie de voix intérieures, en superposant au dessin et à ses mises en scène, la voix-off de son Journal et le double qui s’invite sur son épaule. « Je multiplie les points de vue mais c’est toujours la voix d’Anaïs qu’on entend, c’est à travers sa subjectivité qu’on voit le monde. Elle a souvent l’impression d’être plusieurs personnes, elle confie avoir plusieurs intentions à la fois. J’ai conçu son double non pas comme un reflet maléfique mais comme une autre voix, un petite voix intime. Un inconscient ou une conscience qui fait partie d’elle, qu’elle ne peut pas réellement refouler. Quant au Journal, c’est ma première source d’inspiration, il devait apparaître d’une façon ou d’une autre, même si j’ai adapté les citations pour écrire mon scénario.» Léonie réécrit à son tour, insère les fragments d’Anaïs dans ses planches pour reconstituer son puzzle, guidée par ses choix et les résonnances créatrices. Certaines omissions biographiques n’échapperont pas aux connaisseurs comme l’absence d’Antonin Artaud. « J’avais pensé intégrer la relation entre Anaïs Nin et Antonin Artaud, car ils ont une discussion passionnante sur la folie. Alors qu’il en souffre au point de vouloir se détruire, elle considère la folie comme une force, une inspiration. A l’inverse de sa relation avec Miller, Anaïs et Antonin ne se comprennent pas. J’ai finalement préféré ne pas en parler. Anaïs a rencontré beaucoup de monde et on a justement souvent réduit son œuvre à ces tiroirs. Dans ce récit, je ne suis jamais dans l’exactitude, je suis dans l’impression, à l’intérieur de mon personnage. »
Le dessin ajuste la distance du regard entre le réel et l’imaginaire. Des scènes de rêves aux hallucinations angoissées, certaines séquences décrochent le récit de la réalité et transportent sous les paupières d’Anaïs dans des dimensions parallèles. L’inceste consenti, quand après avoir été abusée enfant, Anaïs adulte reprend son père volontairement en amant, est traité en négatif sur fond noir. De même, le terrible avortement devient une manifestation mystique, l’accouchement d’une artiste dans la douleur et le refus d’être mère. « Pour toutes ces séquences, j’ai choisi de rester au plus près de mes sensations de lecture. Lorsqu’Anaïs raconte ces moments traumatisants, elle devient une spectatrice plongée à l’intérieur d’elle-même. Elle est comme absente à ce qui se passe, perdue, étrangère. Elle ressent au plus fort le sentiment d’éclatement, avec cette impression d’être désolidarisée d’elle-même, comme si tous les liens étaient rompus. C’est à elle que j’ai emprunté l’image du miroir brisé quand elle évoque les souvenirs douloureux de son enfance. Pour l’avortement, il fallait que je donne à cet épisode la place qu’il mérite, on a trop tendance à régler la question d’un tour d’ellipse. Anaïs avorte à six mois de grossesse. Elle a cherché à se débarrasser avant du bébé mais ça n’a pas marché. Elle parle de cet avortement forcé d’une manière très forte et je n’avais pas envie d’éluder ce qu’elle décrit comme une torture, ça dure des heures, et ça fait écho aux violences obstétricales, aux mauvais traitements du corps des femmes. »
Un érotisme créateur
Malgré les failles et les gouffres, le trait léger et lumineux entraîne la narration sur le chemin soyeux des délices et des voluptés visuelles. « Avant même de me décider sur ce crayon multicolore, je savais que la couleur jouerait un grand rôle dans mon récit, de même qu’Anaïs lui accordait beaucoup d’importance. Intégrée au trait, j’ai été surprise et émerveillée de toutes les émotions avec lesquelles elle vient charger certaines séquences. J’ai toujours aimé jouer avec le côté subliminal de la couleur qui laisse une grande liberté de ressenti au lecteur. ». Toute en sensualité, les nuances exercent leur force de séduction, habillent en reflets mouvants et frivoles la courbe d’un sourire, le fond d’un regard, le parfum d’une fleur. Elles font même battre les ailes des papillons. « Les papillons sont un clin d’œil à Duke of Burgundy de Peter Strickland, un film étrange, mystérieux et dérangeant sur la relation entre deux femmes. J’avais été frappée par les plans sur les insectes de nuit. Il était important pour moi de garder la dimension métaphorique même dans la représentation explicite des scènes de sexe. Je ne veux pas réduire Anaïs Nin à sa prose érotique. Pour moi l’érotisme chez elle ne se limite jamais à l’excitation sexuelle. C’est cette force vitale qui l’habite en permanence, à l’origine de ce qui la fait bouillir ou frémir : un jeu où ses fantasmes et sa créativité se nourrissent l’un l’autre. Récemment j’ai découvert le travail d’Audre Lorde, qui définit l’érotisme comme un courant d’énergie, une vibration qui magnétise l’attention et connecte l’esprit avec une personne, une œuvre, une plante, une chose, une idée. L’érotisme réside dans cet échange, dans ce lien à l’origine de la création. » Erotisme et créativité se mêlent pour détacher la femme de l’enfant, la mère de l’artiste, et relier cette Anaïs à l’intimité qu’elle se construit « pour la beauté, pour l’amour et pour la création » En crayonnés saisissants, Léonie Bischoff orchestre le spectacle de ce déploiement et fait revivre à l’icône son personnage le plus exaltant.
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Les correspondances entre Anaïs et Léonie
C’est dans le miroir de ses propres questionnements sur sa place d’autrice que Léonie a imaginé son Anaïs, en rendant hommage à une artiste souvent réduite à son image de scandale. L’autrice témoigne de son attachement à ce personnage.
Anaïs Nin est-elle un modèle pour vous?
Dans cet album, j’ai tenu à rassembler tous les thèmes qui m’ont touchée dans mes lectures, où je me suis sentie concernée. Je pense que les journaux d’Anaïs Nin n’ont pas fini de m’accompagner. Sa liberté de penser, son regard individualiste la conduisent à prendre confiance en elle et à trouver une forme d’indépendance. Son engagement artistique reste ce que j’admire le plus, avec cette énergie presque désespérée et son besoin d’échapper au réel, au quotidien, à l’ordinaire. Je ne me compare pas à elle, nous ne vivons plus dans la même époque. Mais je trouve qu’il existe une continuité avec ses combats pour s’affirmer en tant qu’artiste et en tant que femme. En tant qu’artistes, on est tous obligés de se poser ces questions de savoir ce qu’on veut d’abord pour nous-même. En tant que femme, Anaïs se rend bien compte de tout ce qui l’empêche de s’accomplir dans la société. Elle a conscience que ce n’est pas elle qui n’est pas à la hauteur de la tâche d’écrivain, mais qu’une écrivaine ne peut pas être aussi reconnue qu’un homme.
Considérez-vous Anaïs Nin comme une féministe ?
Elle-même ne s’est jamais revendiquée comme telle. En règle générale, elle fuyait tous les systèmes de pensée. C’est une artiste complètement tournée sur elle-même, peu impliquée dans les problèmes du monde. Le féminisme, à l’époque, était perçu comme « contre les hommes », et c’est une position qui ne lui convenait pas. En réalité, sa volonté de faire autant qu’un homme sur le plan artistique, sans avoir à en être un, fait d’elle une figure féministe. Peut-être qu’elle était aussi femme dans un milieu d’hommes. Elle n’a pratiquement connu aucun modèle féminin positif. Il y a sa mère et son éducation catholique, contre laquelle elle se construit toute sa vie, et à qui elle reproche le départ de son père. Il y a June, la femme de Miller, qui la fascine, qu’elle voudrait être et dont elle pourrait tomber amoureuse, mais qu’elle rejette. Anaïs Nin est surtout moderne dans sa manière de concevoir les relations ouvertes, par sa lucidité à échapper au mirage du grand amour, pour explorer tous les chemins de traverse de la sensualité.
Que pensez-vous de l’esprit féminin revendiqué par Anaïs ?
Je crois que si Anaïs se revendique en tant que femme, c’est qu’elle veut se protéger de la vision des autres, de l’écrasante domination du regard masculin. Dans ces textes, Anaïs oppose très clairement une pensée féminine magique, intuitive et mystérieuse qui enrobe le réel de voiles et de fumées, à la pensée masculine, rationnelle, encyclopédique, l’écriture au scalpel de Miller. Aujourd’hui, je suis convaincue qu’il ne s’agit plus de penser cette dualité en fonction des genres, car tout le monde possède des capacités rationnelles et mystiques. Je pense néanmoins que dans les représentations occidentales, où la science triomphe, tout ce qui touche à l’irrationnel est moins considéré. Or c’est ce qu’Anaïs Nin revendique à travers cet esprit féminin. Elle veut donner de la place à l’intuition, au flou, à l’inexactitude. Pour moi, défendre cet irrationnel est encore valable aujourd’hui.
Quelle place accordez-vous à cet album dans votre propre travail de création ?
C’est sans doute l album à la fois le plus personnel et le plus ambitieux. Il marque une étape importante pour moi. Il m’a permis de renouer avec l’écriture et la réalisation d’un projet de A à Z, ce que je n’avais plus fait depuis longtemps. Dans tous les albums que j’ai réalisés en solo, j’explore toujours des trajectoires de femmes qui cherchent à élargir leurs horizons, à échapper au monde auquel elles appartiennent d’une façon ou d’une autre, même si ce n’est pas toujours mon intention première. Ce fil conducteur se retrouve que je parle de catch ou de sorcellerie, il est encore plus explicite ici. J’étais aussi très intimidée à l’idée de m’attaquer à l’écriture d’Anaïs, c’est pour cette raison que ce projet a pris tant d’années à mûrir dans ma tête avant d’exister sur le papier. Je crois que j’avais le sentiment de ne pas être à la hauteur de la « matière première », j’avais peur de gâcher. C’est la force de création d’Anaïs qui m’a finalement lancée, son besoin de vivre intensément, cette volonté de faire de sa vie quelque chose de passionnant, d’abord pour elle-même en refusant la médiocrité d’une existence toute tracée. « La vie rétrécit ou s’étend en proportion de notre propre courage. ». Cette citation me porte depuis des années.
Lucie Servin ( Dossier de presse réalisé pour les éditions Casterman)
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