Arnaud Le Gouëfflec,  les masques de l’indiscretion

Arnaud Le Gouëfflec,  les masques de l’indiscretion

dominiquecouvDans J’aurais ta peau Dominique A réalisé en tandem avec le dessinateur Olivier Balez, Arnaud Le Gouëfflec confirme son talent de scénariste de bande dessinée. Portrait d’un artiste touche à tout, traqueur indiscret et infatigable.

Oscar Wilde disait “L’homme est moins lui-même quand il est sincère, donnez-lui un masque et il dira la vérité.” Romancier, musicien, compositeur et scénariste, Arnaud Le Gouëfflec a le talent pour dénicher les perles rares, avec l’art de démasquer les héros anonymes ou oubliés qu’il traque sans relâche pour nourrir ses histoires. L’artiste arrive sur le tard à la bande dessinée. Ecrivain et compositeur de chansons, une rencontre avec le scénariste Kris, brestois comme lui, le décide à se lancer dans la BD. Il publie un premier projet avec Obion, intitulé Villebrequin aux éditions Casterman avant de rencontrer grâce à cet éditeur Oliver Balez avec qui il compose Topless, le Chanteur sans nom et J’aurais ta peau Dominique A, qui vient de sortir aux éditions Glénat. Fasciné par les héros volontairement masqués ou cachés par l’oubli et l’indifférence, la traque identitaire de tous ces anonymes forme un leitmotiv dans son œuvre qu’il décline sur tous les tableaux du roman à la chanson en passant par les cases de BD.

Humour et série noire

Arnaud Le Gouëfflec est avant tout un écrivain empruntant à  la série noire l’art de percer les mystères pour assouvir une curiosité sans borne. Indiscret professionnel, avec un humour caustique et décalé, il crée autour de son détective privé Johnny Spinoza, une série amorcée par un premier roman intitulé les Discrets. Ces discrets appartiennent à une société secrète dont la mission est de rester anonymes. Démasqué par un mystérieux individu qui cherche à les rendre visible au grand jour ces anonymes volontaires, signant d’un vu écrit en lettre de sang, les membres de la société secrète engagent le détective pour confondre l’indiscret perturbateur. Après ce premier roman suivent L’irrestible tandis que Noctambule paraîtra au mois d’avril de cette année. En marge de cette série, Arnaud est également l’auteur de Basile et Massue, l’histoire d’une amitiè dans la ville de Brest noyé dans l’alcool et Mon nom est person, dans lequel il transpose le Poulpe à la sauce bretonne. Le romancier cultive depuis très jeune un gôut pour les romans de la série noire, biberonner par les œuvres de Léo Mallet, Jim Thompson, Suchar ou William… Ce goût pour faire tomber les masques et ramener ces illustres inconnus à la lumière devient une marque de fabrique, une “pathologie obsessionnel”, comme il le confesse lui-même qui traverse tous ces univers, révélant comme par magie les histoires enfouis toujours avec humour et fantaisie.

Le borderline, un credo

Glanant les informations dans les recoins sombres de la toile, autour des comptoirs poussiéreux ou de lieux inédits, l’écrivain se fait le justicier vengeur d’un temps qui condamne à l’oubli les êtres et les choses. De toutes ces informations qu’il compile dans sa tête mais aussi sur internet, comme lorsqu’il choisit d’ouvrir son blog terribabuleska(1) qu’il alimente de ses trouvailles rocambolesques,  Arnaud compose également des chansons. Guitariste autodidacte et poète, il a aujourd’hui enregistré près d’une dizaine de disques mais explique-t-il : “Je ne suis pas véritablement inspiré par la chanson française traditionnelle, je suis surtout passionné de Rock et ce que ce courant à produit de plus bizarre, de plus expérimentale. Je suis fasciné par les frappés, les marginaux et les originaux de tout poil, tous les grands surréalistes de la musique et j’en ai presqu’inconsciemment fait un credo.” A la manière de l’art brut, les fous et les aliénés sont pour lui une véritable mine. Construisant un univers foisonnant et déjanté, il multiplie projets et oncerts avec différents groupes et crée avec sa femme en 2006 le Festival des Invisibles à Brest qui se déroule chaque année au mois de novembre. Depuis les origines, l’équipe s’est étoffée et compte désormais cinq programmateurs avec pour mission de dénicher des artistes de tous horizons en dehors des circuits liés au réseau traditionnels, ratissant autant de grands noms de la scène internationales que des groupes locaux et inconnus. “Il n’y a pas de style de prédilection, la programmation est à la croisée des genres entre le jazz, le rock ou l’expérimental, nous privilégions toujours la création un peu borderline.”

La bande dessinée

“J’ai passé mon enfance en Normandie où j’ai littéralement épuisé le fond de BD de la bibliothèque en lisant les grands classiques. Je ne suis revenu à la BD que plus tard, en découvrant la chronique que Lewis Trondheim publiait dans les Inrocks à l’époque et en suivant ensuite tous les auteurs de la maison d’éditions l’Association. Il y a avait un véritable renouveau et une fraicheur qui m’a tout de suite séduit.” Commente Arnaud. Sur les conseils de Kris, Arnaud s’improvise finalement scénariste de bande dessinée et travaille d’abord avec Obion, démarre une collaboration étroite avec le dessinateur Olivier Balez installé au Chili avec qui il publie trois albums Topless, le chanteur sans nom et j’aurais ta peau de Dominique A qui vient de sortir. Arnaud y affirme une nouvelle fois sa fascination pour la musique et les masques, questionnant inlassablement l’identité et l’anonymat. C’est en dénichant chez un disquaire brestois, une compile de Vincent Scotto des années 20 et 30 édités chez Fermion et associés, qu’Arnaud découvre l’existence de ce chanteur sans nom et commence à mener l’enquête. Ressuscitant et dérangeant le fantôme de cette célébrité oublié, Le Chanteur sans nom est un véritable bijou de fiction et de mémoire, récompensé par le prix Bulle Zik en 2011. Son nouvel album, J’aurais ta peau Dominique A s’inscrit dans la même veine mais dans une composition inversée puisque dans ce scénario rien est vrai. Arnaud s’en amuse, masquant et démasquant ces héros à l’envi.

Lucie Servin

(1) http://terribabuleska.free.fr

http://www.arnaudlegouefflec.com

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Dominique A en lice pour les « Victoires de la musique »

La 28e édition des Victoires de la Musique se déroule ce vendredi soir au Zénith de Paris, à suivre à partir de 20h45 en direct sur France 2 et retransmis sur France Inter et France Bleu. Dominique A, qui vient de célébrer 20 ans de chansons et qui a inspiré l’album fiction J’aurai ta peau, Dominique A de Arnaud Le Gouëfflec et Olivier Balez, est nommé dans la catégorie « Artiste interprète masculin”.[/chap]

[let]A[/let]près vingt ans de carrière, Dominique A sort de l’ombre. Musicien reconnu, artiste et compositeur talentueux, le chanteur a toujours su rester relativement à l’écart, une discrétion naturelle qui lui a permis de conserver une grande indépendance. Dominique Ané, alias Dominique A, est né en 1968 et est considéré comme l’un des fondateurs de la nouvelle scène française au début des années 1990. Auteur d’une discographie déjà importante, composée de neuf opus, il a sorti en 2012 l’album Vers la lueur, salué unanimement par la critique.

Remis sur le devant de la scène dans la fiction imaginée par Arnaud Le Gouëfflec et dessinée par Olivier Balez, à laquelle BDSphère consacrait dans son numéro 45 une double page entière, Dominique A devrait encore profiter ce soir des deux millions de téléspectateurs attendus pour regarder ces Victoires de la Musique. A défaut d’avoir sa peau, une jolie reconnaissance.

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=K6oBgyM_WHo]