La déontologie des faits divers

La déontologie des faits divers

© Siné

Tristan Bernard : «  un journal coupé en morceaux n’intéresse personne, un homme coupé en morceau intéresse tous les journaux »

 

Le fait divers constitue un type très particulier d’information pour le journaliste. Il se présente toujours comme un événement anodin et ponctuel qui vient questionner les grandes passions humaines ou attirer l’attention sur des phénomènes anormaux. Les faits divers sont traditionnellement regroupés au sein d’une même rubrique. Ils forment un groupe à part, à l’écart des autres informations. Même si leur importance est souvent considérée comme secondaire, ils ont un rôle primordial pour le média. Un rôle financier d’une part, ils sont propices à l’identification, accrocheurs par excellence et jouent principalement sur la loi de proximité. Selon certains, les médias accorderaient une trop grande importance à la couverture des faits divers, en raison d’une attirance supposée du public pour ce type d’évènement, et du bénéfice qui en découlerait en terme d’audience. Les faits divers séduisent les usagers : plus l’histoire est croustillante, absurde, tragique, insolite …. en un mot marquante plus le fait divers prend de la valeur. A la télévision même, le  public est friand des rubriques insolites.

Certains faits divers peuvent parfois avoir une portée plus large et sortir du cadre de leur rubrique. Un fait divers à la Une devient une affaire, et l’hypertrophie du phénomène a déjà conduit à de grands scandales Médiatico-judiciaires comme dans l’affaire à rebondissements du petit Grégory Villemin en 1984 ou encore l’ « Affaire Cécile Jourdan »(1988-1992). En France, ce type d’affaire a relancé le débat sur la déontologie de la presse, sur son rôle par rapport à la justice, sa responsabilité vis à vis des fameux « présumés coupables » Les médias ont ainsi essayé de s’empêcher de devenir une compilation de faits divers et d’en définir des cadres plus ou moins clairs. Si le traitement déontologique des faits divers est loin de la perfection, on n’a pas connu de dérapage majeur dans ce domaine depuis la fin des années 1990, et la loi sur la présomption d’innocence a peut être joué dans ce domaine.

Si le fait divers est une corde sensible, son usage est justifié en terme de déontologie car il peut également offrir et donner à voir le monde du quotidien. Tous les faits divers ne contiennent d’ailleurs pas des larmes et du sang. En toute modestie, on pourrait même reconnaître qu’ils régulent les comportements humains et donnent à réfléchir sur les excès des passions aussi bien que les tragédies grecques assumaient la fonction de catharsis!

Le cas de la presse « People » est très particulier, les maigres scrupules ne peuvent servir d’argumentaire déontologique. Les procédés et les contenus de cette presse doivent être observés et interrogés car ils véhiculent beaucoup de représentations de nos sociétés et ont leur place dans le paysage médiatique. Ils répondent également à une réelle demande du public.

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AFFAIRE ALEGRE

une Instruction à ciel ouvert 

 

En avril 2003, la presse s’empare immédiatement de l’affaire. Dominique Baudis, ancien journaliste et ancien maire de Toulouse, président du CSA (conseil de surveillance audiovisuelle) est impliqué dans une histoire sordide : meurtre d’une prostituée et d’un travesti par un tueur en série Patrice Alègre qui participait avec de grandes personnalités à des soirées sadomasochistes. Dominique Baudis crie au scandale et  révèle  alors sur le plateau de TF1, le 18 mai que son nom est cité dans le dossier d’instruction confondant le cabinet d’instruction et le plateau de télévision. Il récidive sur le plateau de Karl Zéro sur Canal+, le 1er Juin, tandis que  la presse relaye sans pudeur les propos d’un travesti Djamel qui prétendait avoir participé à ces soirées.