Le retour de Don Quichotte en Bande dessinée
Plus de quatre cent ans après la publication de Don Quichotte par Miguel de Cervantès, deux œuvres publiées récemment s’emparent de ce chef d’œuvre, une adaptation littérale très réussie réalisée par l’anglais Rob Davis, et une transposition exaltante dans l’Amérique contemporaine par Christian Lax.
–> Retrouvez la chronique consacrée à Un certain Cervantès, de Christian Lax
« Même si tu n’en ris pas franchement, tu ne pourras t’empêcher de grimacer un sourire, car les aventures de Don Quichotte éveillent immanquablement l’étonnement ou la gaité. » Ainsi écrivait Cervantès au sujet de son livre dans son propre roman. Don Quichotte, c’est d’abord une bouffonnerie, une farce composée de 90 % de dialogues, une comédie burlesque, des bons mots et des coups de bâtons. Quatre cent ans après la publication du deuxième tome de ce chef d’œuvre de Miguel de Cervantès en 1615, le mythe a fini par échapper au texte qui lui a donné naissance. L’œuvre conserve pourtant son extraordinaire pouvoir de divertissement et soulève des réflexions toujours actuelles, comme le montre le dessinateur britannique Rob Davis, dans cette nouvelle adaptation toute en couleur, lumineuse et souriante.
La fidélité au texte de Cervantès garantit la qualité de la narration et la pertinence du redécoupage choisi par le dessinateur. Huit chapitres qui reprennent dans un graphisme stylisé et particulièrement maitrisé, les traditionnelles représentations du plus célèbre des chevaliers errants, de Rossinante et de son fidèle écuyer Sancho Panza sur son baudet. Rob Davis condense, résume en gardant toute la saveur des dialogues sans jamais trahir l’œuvre initiale. Au contraire, par l’artifice de mises en scène graphiques et judicieuses, le dessinateur parvient à rendre compte des récits à tiroirs qui s’incrustent dans l’intrigue principale.
Du fond d’une cellule, le narrateur raconte ces aventures . Les bulles qui s’échappent des barreaux relèvent d’un bel hommage à l’écriture de Cervantès qui dans le roman intervient souvent, se cachant derrière un mystérieux historien maure Sidi Ahmed Benengeli dont il traduirait l’histoire. Emprisonné effectivement à plusieurs reprises, l’écrivain s’intègre ainsi parfaitement dans le récit, à la manière de Cervantès lui-même.
Le clin d’œil comble également l’unique épisode occulté par le dessinateur, le fameux « récit du captif », qui compose une grande nouvelle indépendante dans le premier tome de Don Quichotte. Cervantès y développe les péripéties et la libération d’un captif chrétien depuis Alger, une histoire qui n’est pas sans rappeler l’expérience de l’écrivain, retenu près de 5 ans en captivité lui aussi à Alger. Cette omission s’accorde comme un choix délibéré de Rob Davis. Le dessinateur purge en quelque sorte tous les éléments qui ancrent Don Quichotte dans une perspective historique. Intemporel, universel, le mythe ressurgit dans toute sa vivacité, et le lecteur d’opiner avec Jean Canavaggio, spécialiste et traducteur de Don Quichotte pour la Pleiade qui écrit dans la préface du livre :« Sachons gré à Rob Davis d’avoir rendu ce livre accessible à nos contemporains, dans une transposition qui conserve de bout en bout l’inspiration, la manière et l’esprit. »
Lucie Servin
Rob Davis (scénario et dessin), d’après l’oeuvre de Miguel de Cervantes, Warum, 160 pages, 20 euros,
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