Les dessins d’humour de Charlie Poppins

Les dessins d’humour de Charlie Poppins

mary-poppinsÊtre hybride entre Charlie Chaplin et Marie Poppins, Charlie Poppins cache derrière ce pseudonyme farfelu sa véritable identité et prétend même s’appeler Charles de Popincourt,“du nom de cette rue qui sonnait bien”, dans une biographie fantasque qu’il met en exergue sur son blog. Sans en savoir davantage, inutile d’aller chercher plus loin la source d’inspiration de ce dessinateur hors du commun qui puise dans son imagination fertile tous les ingrédients pour détourner la monotonie du quotidien. Une recette subtile au goût de l’absurde relevée avec juste ce qu’il faut d’humour noir.

Charlie Poppins organiserait “son temps entre ses dessins et son métier de montreur d’ours.” De cette biographie tissée avec les fils d’un délire sans doute accouché un soir de grande beuverie, le lecteur ne doit pas être dupe, car le masque de l’humour cache bel et bien une double identité. Charlie travaille en réalité dans l’animation en réalisant des habillages de films et des génériques et ne souhaiterait pour rien au monde créer des passerelles entre ces deux activités, car si l’une est professionnelle, l’autre appartient à l’univers sacré du plaisir.

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Rochelais d’origine, après une formation aux techniques de l’animation à Valenciennes, il rejoint Paris il y a une dizaine d’années pour trouver du travail. Ce n’est qu’en 2009 qu’il décide d’ouvrir un blog après s’être surpris à montrer quelques dessins à un entourage de proches immédiatement conquis.

De l’absurde et du détournement du quotidien

Original dans sa manière de voir la vie, Charlie cultive un sens inné de l’absurde qui le conduit à noter compulsivement toutes ses idées sur son téléphone ou directement sur ses différents cahiers où il invente des situations aussi improbables que décalées. Une grimace dans le métro, une coïncidence sur le trottoir, une expression toute faite lancée à la boulangère, tous ces petits riens inspirent ses gags issus du quotidien le plus banal. Il explique : “ces idées devaient servir au départ de bases à des projets de films d’animations ou de courts métrages, mais réaliser un film représente bien trop de temps si bien que je les ai converties en dessins d’humour.” Très méthodique dans sa manière de travailler, il compile toutes ses idées pour les noter ensuite afin de choisir celles qui aboutiront finalement à un dessin publié. “Il me faut en moyenne une demi-journée pour réaliser un dessin. Je compose les traits au propre avec ma table lumineuse sur du papier à aquarelle (surtout car j’aime ce support) pour ensuite scanner l’ensemble et l’adapter dans mes vignettes jaunies”, ajoute-t-il. Ces trames jaunies qui ont fait sa marque de fabrique sont à l’origine de véritables vignettes d’anciennes planches de BD qu’il réemploie à sa guise.

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“J’adore les vieux objets marqués par la patine du temps comme dans un film de Jean-Pierre Jeunet, les trésors de brocante qui ont cette âme de vécu et c’est aussi pour cette raison que j’ai choisi cette typo de vieux illustrés qui rappelle le passage du temps.” La magie opère et la mise en scène de ces vignettes faussement vieillies donne à son blog un caractère hors du temps avec le charme suranné du vieux papier ainsi présenté sur la toile numérique. Charlie développe un style clair et immédiatement identifiable, même s’il précise avec modestie que c’est un ensemble de contraintes qui l’a conduit à cette adoption. “Je ne suis pas à l’aise avec la couleur et j’ai donc préféré le noir et blanc; de même, je n’ai jamais réussi à mettre au point une signature et c’est pour cette raison que j’ai choisi ce tampon bien plus pratique.”

Un esthète du dessin d’humour

Si Charlie explique être devenu l’ami de Marion Montaigne, il ne se sent pas d’appartenance particulière dans la bande dessinée et aime à revendiquer une place à part dans l’océan de la blogosphère. Son admiration immodérée pour Sempé, Pierre Etaix, le dessinateur des films de Jacques Tati, l’humour des Monty Python et plus généralement les dessinateurs du New Yorker ou du magazine Mad l’amène à revendiquer une seule case, entre le dessin de presse et la bande dessinée, celle du dessin d’humour.« J’aime beaucoup le dessin de presse, mais il reste un peu trop tributaire de l’actualité. Je préfère dessiner les idées qui se raccrochent à des choses plus intemporelles, plus simples et humaines. Pour ce qui est de la bande dessinée, je ne me sens pas de prédisposition particulière pour la narration et c’est pour cette raison que je préfère condenser mes idées dans une seule image immédiatement lisible quelque soit même la nationalité du lecteur”, affirme le dessinateur

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Elevé à l’école des dessinateurs américains comme Gary Larson, Charles Addams, Crumb, Charles Schulz ou encore Bill Watterson, Charlie Poppins multiplie les influences de Roland Topor à Yuri Norstein, en passant par Quino et Voutch. Côté humour, même s’il préfère toujours l’immédiateté de l’image à un bon mot, Pierre Desproges ou Woody Hallen ne sont pas absents des traits d’esprit qui soulignent l’incongruité d’un cliché ou d’une mise en scène.

Un auteur en quête d’éditeur

Cette année, “pour faire le point”, Charlie s’est rendu au festival d’Angoulême pour rencontrer son public mais aussi parce qu’il aimerait bien voir les dessins de son blog sur papier. “Le numérique est un outil formidable de diffusion, mais je suis très attaché à l’objet livre”, commente-t-il. Voilà un an qu’il publie déjà tous les mois dans le magazineTrois couleurs pour les cinémas MK2 et qu’il a largement gagné en reconnaissance en illustrant un reportage dans la prestigieuse revue XXI. Mais Charlie sait aussi ce qu’il veut et n’est surtout pas prêt à toutes les concessions. “Mon blog reste un hobby : si un livre doit sortir de cette expérience, je veux qu’il soit exactement comme je le désire, car il s’agira peut-être du seul livre que j’éditerais dans ma vie. Je n’aime pas que ma création m’échappe, de la même manière que je ne me force jamais pour trouver des idées. C’est bien pour cette raison que je les note dans mes cahiers pour toujours en avoir sous le coude si jamais on me demande un dessin, car je déteste me forcer à travailler laborieusement.”

Bilan mitigé au retour du festival: si le public était au rendez-vous, les éditeurs seraient encore trop frileux vis-à-vis du dessin d’humour. Une niche sans doute trop marquée par l’esprit anglo-saxon où pourtant Charlie Poppins excelle. Toutes les pistes restent ouvertes.

Lucie Servin

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