International/Monde - Urgence Humanitaire

International/Monde – Urgence Humanitaire

© Image titre Mana Neyestani

« Le monde a commencé sans l’homme et il s’achèvera sans lui.» Claude Lévi-Strauss

RSF-caarte

 

Le traitement de l’information internationale est une des questions les plus importantes en matière de déontologie journalistique tant pour le choix des informations que sur le point de vue et l’analyse qu’on en fait.

La cruauté de la loi de proximité 

La loi de proximité  est une loi des plus troublantes pour la déontologie en matière d’information. « loi journalistique » par excellence, elle s’appuie sur l’idée qu’il faut capter l’intérêt du lecteur, de l’auditeur ou du téléspectateur. Celui-ci se sentira d’autant plus concerné par l’information qu’elle est proche dans le temps (l’actualité du moment), dans l’espace (on sera plus sensible à des événements situés près de chez soi), de ses idées, de sa situation socioprofessionnelle, de son quotidien, ou qu’elle touche sa vie affective ou émotive. Loi pour vendre, elle s’exprime par le ratio mort / kilomètre ou s’attache à des proximités nationales. Systématiquement dans les médias, on parle d’une tragédie internationale lorsque des « compatriotes » ont laissé leur vie. Cette stratégie connaît son revers car elle induit une sur-médiatisation des otages. On voit dans le monde certains groupes armés jouer de cette médiatisation et les prises d’otages se multiplient, la semaine dernière en Somalie, au Cameroun, et en Afghanistan. Une catastrophe de portée spectaculaire, telle le Tsunami peut déclencher une véritable folie médiatique, mais les informations sont rarement suivies et le Tsunami de l’Asie du Sud Est est déjà devenu un souvenir pour les européens. Cette loi déforme la réalité et nuit gravement à l’information, il faut en urgence trouver des critères pour la réduire. Courrier international fait figure d’exception en récoltant des articles du monde entier.

Pour un traitement anthropologique de l’information 

A l’heure où l’on célèbre le centenaire de la naissance de Claude Lévi-Strauss, les préjugés qu’il a mis toute sa vie à dénoncer, (le racisme, l’ethnocentrisme et l’évolutionnisme notamment) sont encore malheureusement bien présents dans le discours ambiant et la responsabilité des journalistes est largement en cause. On doit en effet à l’anthropologue d’avoir déterminé l’attitude critique à adopter dans le champ de l’ensemble des sciences humaines, l’homme et le monde qui l’entoure. Le journaliste dans le traitement de l’information doit se substituer à l’anthropologue et considérer une distance critique fondamentale. L’ethnocentrisme est un penchant naturel de toutes les sociétés humaines. Le concept de grille de lecture développé par Wittgenstein permet de comprendre ce phénomène. Une société  a besoin pour comprendre le monde de partager des normes paradigmatiques qui se contredisent ou se décalent avec les différentes cultures.  La logique naturelle vise ainsi à considérer sa culture comme le centre du monde, et à négliger les éléments qui nous sont le plus étrangers et auxquels nous ne pouvons pas nous identifier. La conscience du journaliste de ses propres limites est nécessaire pour établir une distance critique sur l’interprétation des faits.

 

neyestani-censure

 

Une déontologie européenne 

« L’Europe ne peut être tranquille tant que la France n’est pas contente. »Victor Hugo

europe

Accès à l’information internationale

Les journalistes ne perçoivent peut être pas l’intérêt commercial et pédagogique de traiter fondamentalement l’information internationale mais il faut également rappeler les problèmes liés à la collecte et à l’accès aux informations.  Le journaliste doit observer  par lui même. Cette nécessité d’immersion induit un coût élevé si bien qu’aujourd’hui les médias n’ont pas les moyens d’envoyer des correspondants partout  et passent généralement par les agences (AFP, Reuters) qui se sont fait les spécialistes du relai de ce type d’informations. Le portrait des médias dans la mondialisation est d’ailleurs paradoxal : Internet à permis de multiplier la vitesse et le volume des échanges d’information. Mais, à l’inverse le réseau se substitue de plus en plus à l’échange réel entre individus et aux déplacements sur le terrain, ce qui ne peut que nuire à la qualité de l’information. En outre, les journalistes sont obligés par la loi de respecter le secret de la sécurité nationale. L’opacité de la politique diplomatique est un terrain miné et les risques que prend le journalisme sur certaines affaires peuvent décourager. Pourtant la politique étrangère appartient au débat public et le décryptage est nécessaire. Le contexte international et la multiplication des conflits armés qui remettent en cause la sécurité des journalistes peuvent expliquer les lacunes de l’information à l’échelle planétaire. L’omission consciente ou inconsciente du traitement des problématiques européennes pose de nombreuses questions. Claude Jean Bertrand dans un paragraphe intitulé Isolationnisme, écrit «  Pas un seul code n’y fait même allusion : il est nécessaire pour le bien public que chaque pays présente les produits médiatiques des autres pour faire connaître leur culture et stimuler les autres. »

 L’Europe souffre d’un déficit d’image

Les journalistes européens ont signé une charte de déontologie commune et l’Union Européenne s’est constituée dans son principe comme une institution garante de liberté de presse et d’expression. Le parlement a émis des lois comme en 1980. Il existe ainsi un organisme d’Observatoire Européen des Médias et régulièrement des rapports sont transmis au parlement. L’Europe insiste ainsi sur la défense du pluralisme comme une nécessité démocratique. Les journalistes français sont aussi nombreux que les Néerlandais mais beaucoup moins que les Allemands à Bruxelles et tous les médias n’ont pas une page consacrée à l’Europe. En Europe, les médias ne disposent pas de correspondants dans tous les pays. En France on se concentre principalement sur nos voisins et en premier lieu l’Allemagne et l’Angleterre.  L’Union Européenne est traitée par les médias comme une institution politique productrice de réglementations plus ou moins appréciées et comprises par la population. Ils engagent ainsi à considérer l’ Europe par le prisme de l’Union. Dans la télévision seul Arte échappe à cette règle. Les médias sont en partie responsables de l’échec du développement d’un certain sentiment européen qui n’appartiendrait plus seulement au pouvoir et aux  élites. Pourtant, le phénomène des blogs au moment du Référendum sur la constitution n’a-t-il pas montré la vitalité de l’intérêt pour la question européenne?  .

Vendre et comparer 

L’Europe est vulgairement traitée comme une bonne recette: « ce qui marche le mieux, c’est le reportage comparatif ! ». Henri Vernet du quotidien Le Parisien, prend un exemple. « Quand l’actualité en France porte sur le service minimum dans les transports, alors on intéressera nos lecteurs en leur racontant comment les Italiens ou les Espagnols gèrent le problème.Ce comparatisme traduit une attitude éthnocentrique qui consiste à regarder les choses toujours du même point de vue, le nôtre, sans voir les réalités de l’intérieur ou comprendre les dimensions propres du pays concerné. .

  _________________________________

Alerte en Afrique

 

« L’Afrique en est encore au moyen age » est un préjugé actuel qui témoigne de la notion d’évolutionnisme des cultures. C’est une façon en vérité de nier la diversité des cultures. Levy- Strauss écrit « En vérité, il n’existe pas de peuples enfants ; tous sont adultes, même ceux qui n’ont pas tenu le journal de leur enfance et de leur adolescence ». La presse ne donne pas assez à voir les problématiques propres à chacun des pays. Le traitement de l’Afrique par exemple est terrible car il induit une indifférence face aux évènements qui s’acharnent sur ce continent. L’année dernière, au Tchad, l’information s’est focalisée sur une ONG plus que douteuse dans son principe et dans son organisation « L’arche de Zoé ». La France a traité avec un pouvoir non démocratique et personne n’a su réellement décrire les enjeux pour la population Tchadienne. Aujourd’hui en RDC, la guerre civile a éclaté et  le spectre honteux du génocide rwandais ressurgit. Les explications fournies par les médias sont largement insuffisantes.

 _________________________________

Procès d’une journaliste

  Florence Hartmann

Florence hartmann

L’ancienne porte-parole du procureur du Tribunal pénal international (TPIY) pour l’ex-Yougoslavie, Florence Hartmann, a du comparaître le 3 novembre pour outrage à la Cour pour avoir divulgué des informations confidentielles sur le procès de Slobodan Milosevic. Le dictateur serbe jugé pour Crime contre l’humanité et génocide est décédé le 11 mars 2006, dans sa cellule.  Pour le TPI,  « Florence Hartmann est accusée d’avoir publié des textes dévoilant des informations relatives à des décisions confidentielles de la chambre d’appel dans le procès Milosevic » «  en connaissance de cause ».

la diagonale du fouLe juge pointe notamment son livre paru en 2007, Paix et châtiment, les guerres secrètes de la politique et de la justice internationales, dans lequel elle révèle le traitement de la question du  génocide par la justice internationale et  l’implication de Slobodan Milosevic, dont elle avait fait un portrait en 1999 « Milosevic, la diagonale du fou ». Ancienne journaliste pour le journal Le Monde en ex-Yougoslavie, Florence Hartmann était la porte-parole et conseillère pour les Balkans du procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Carla Del Ponte, d’octobre 2000 à octobre 2006. En témoin privilégié elle revient sur la responsabilité des grandes puissances, au premier rang desquels la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis, et accuse  des jeux de pouvoir entre la justice et la diplomatie internationale.

Dans ce livre réquisitoire, elle dénonce « une coopération sélective » des grandes puissances, et leur refus persistant d’arrêter Karadzic et Mladic (les deux principaux collaborateurs de Milosevic) ou de s’assurer qu’ils soient livrés au TPIY, indissociable de leur défaut de volonté de prévenir les massacres de Srebrenica ». Selon les statuts du TPI, l’outrage à la Cour peut être sanctionné de sept ans de prison et/ou d’une amende de 100.000 euros. Cette accusation porte atteinte au devoir d’information et la nécessaire analyse de la guerre de Bosnie.

 

 _________________________________

Mauvais note pour la France

La France perd 4 places dans le classement de la liberté de la presse publié pour 2008, elle arrive au 35ème rang mondial bien derrière l’Allemagne ou  l’Angleterre. Comme chaque année Reporters Sans Frontières (RSF) publie ce classement accompagné d’un rapport exhaustif qui compile les critères déterminants.  Ce classement a été publié  le 15 octobre dernier.  En France, selon RSF, depuis deux ans, le nombre croissant d’interventions policières ou judiciaires  liées au secret des sources expliquerait cet écart. Les 20 premiers pays désignés sont tous européens, à l’exception de la Nouvelle-Zélande et du Canada. Pour une quatrième année consécutive, « le trio infernal », l’Érythrée, la Corée du Nord et le Turkménistan alignent les plus mauvais scores. Par ailleurs, Les Etats Unis sont en 36ème position…

  _________________________________

Japon :   NHK et la redevance 

NHK-World

 

La NHK  Nihon Hōsō Kyōkai, est l’unique groupe audiovisuel public japonais et gère les stations de radio et de télévision. Son audience moyenne est d’environ 27% des foyers japonais. La NHK commence à émettre en 1925 et crée sa propre chaîne de télévision en 1953. Le groupe propose un service connu pour la qualité de ses programmes. Financé à 85% par la redevance, le reste provenant de quelques recettes commerciales ( vente de DVD, magazines …). et d’une petite contribution gouvernementale pour les programmes destinés à l’international. De récents scandales ont perturbé le financement de la chaîne en 2006. Certains membres de la direction auraient détourné l’argent de la redevance. L’ancien président de la chaîne, Katsuji Ebisawa, a même démissionné à cette occasion.  1,3million de Japonais se refusèrent à payer la redevance,  même si le nombre de réfractaires a considérablement diminué depuis.

  _________________________________

Robert Ménard démissionne de RSF 

FRANCE-CHINA-OLY-2008-RSF-MENARD

RSF : UNE ONG RESPECTEE

Co-fondateur de Reporters Sans Frontières (RSF) en 1985, Robert Ménard a démissionné depuis le 30 septembre 2008 de son poste de secrétaire général de l’association. Inspiré par l’association Médecins sans frontières, il avait décidé de créer une association pour la défense de la liberté de la presse avec un autre journaliste, Jean-Claude Guillebaud. RSF compte aujourd’hui neuf sections nationales en Europe, des représentations en Asie, en Amérique , à Moscou et Abidjan, et dispose de plus de cent vingt correspondants dans le monde. Tous les ans, elle publie un rapport digne de crédit sur la liberté de la presse dans le monde.

UNE PERSONALITE CONTROVERSEE

Personnalité controversée, Robert Ménart se qualifie lui même d’ « autoritaire » et « d’extrémiste » en ce qui concerne la liberté d’expression. Souvent mis devant ses contradictions, son image critiquée a très certainement nuit à l’image de l’association. Jean-Claude Guillebaud avait quitté l’association en 1993 pour des raisons déontologiques qu’il expose dans un article accordé à Marianne. Il explique les raisons de son désaccord : « Au fur et à mesure que l’association se développait, les opérations devenaient de plus en plus spectaculaires (…) il fallait mettre en sourdine toute l’activité de critique des médias pour bénéficier du soutien des grands journaux et des grandes chaînes de télé ». Robert Ménart quant à lui affirme avec lucidité que RSF sera « plus collectif sans lui »! RSF, en bonne santé semble promise à un bel avenir.