Médias et Nouvelles technologies - Les Révolutions technologiques et La "cyberdéontologie" en question

Médias et Nouvelles technologies – Les Révolutions technologiques et La « cyberdéontologie » en question

Image tire © ? web

« Le Cyber-Espace : une hallucination consensuelle vécue chaque jour par des dizaines de millions de participants volontaires répartis sur toute la planète ».William Gibson

Les médias permettent de diffuser des  informations vers un grand nombre d’individus très rapidement. Le phénomène des médias de masse (ou mass-media) est profondément modifié avec l’arrivée des nouvelles technologies : nouvelles télécommunications et internet provocant un bouleversement irrémédiable du paysage médiatique. Les mutations rapides et multiples des supports conduisent à une libéralisation des échanges et obligent à repenser les échelles de valeurs de la production dite « intellectuelle » ou « immatérielle ».

Internet et l’intégration progressive des médias 

La fin programmée des médias traditionnels par Internet, longtemps évoquée, s’est traduite dans la réalité  par  une intégration progressive qui s’accompagne nécessairement d’une désorganisation temporaire des structures de publication et de distribution. Aucun grand média ne peut aujourd’hui se passer du Web, que ce soit  pour diffuser de l’information ou pour communiquer avec son lectorat ou son audience. Si la presse écrite a été la première présente sur le réseau; les radios, puis les télévisions, l’ont vite rejointe avec la généralisation des connexions haut débit. Depuis les années 80, la presse papier voit son lectorat diminuer à l’avantage des autres médias. Le développement des récepteurs mobiles (téléphonie, ordinateur portable…) renforce l’idée de l’abandon progressif du support papier et risque d’accentuer la baisse des ventes des journaux dans les prochaines années. Mais loin d’asséner un coup fatal, à la presse écrite, Internet est potentiellement l’outil qui lui manquait pour venir contester la suprématie de la télévision. La consommation télévisuelle a d’ailleurs amorcé un recul aux États-Unis, où les médias écrits en ont largement profité d’internet. La télévision ou la radio, médias de grande diffusion peuvent désormais être transmis et reçus sur support numérique, ce qui leur vaut une amélioration de la qualité par rapport aux modes de transmission traditionnels et permet aussi de nouveaux modes de consultation. Le téléchargement permet une réelle adaptation du média à l’usager qui n’a plus la contrainte d’une temporalité imposée. Les médias traditionnels n’ont pas abandonné leur support de diffusion originel : ils ont peu à peu intégré Internet à leur stratégie d’nformation.

Bouleversement des systèmes de communication et  des pratiques de réception

Le sociologue Remy Rieffle, spécialiste des pratiques des médias souligne que paradoxalement l’explosion des barrières technologiques de l’information et la libéralisation des médias  n’a pas eu pour conséquence de démocratiser l’information mais au contraire de développer une « hypersélectivité » des contenus et une « hyperfragmentation » des champs d’exploration . Les usages ne sont cependant pas stabilisés. La toile du web propose un espace de liberté unique, sur laquelle l’État a du mal à légiférer. D’autres sociologues constatent une modification radicale du système de communication avec internet . Avant, les médias détenaient le monopole de la parole publique ce qui conditionnait une communication verticale avec le public. Internet permet une communication libre et horizontale d’égal à égal. Sans orgueil déplacé, la déontologie doit pouvoir donner une valeur journalistique au traitement de l’information sur le net.

 VERS UNE CYBER DEONTOLOGIE?

« La googlisation » des recherches 

Une toile « libre » : Internet et la vitesse des échanges numérisés rendent impossibles un contrôle de l’ensemble du réseau qui s’organise autour des portails et des  moteurs de recherche, véritables méta-médias qui concentrent le trafic du Web et assurent la convergence des contenus.  Plus des trois quarts des internautes au monde passent par leur service pour surfer sur le Web . Pour Google, il s’agit simplement de rediriger l’internaute vers l’information qu’il cherche. Pour Yahoo, le but est de récupérer un maximum de contenu à moindre coût chez des producteurs partenaires désireux d’augmenter leur trafic. La publicité et les liens dits sponsorisés que les annonceurs achètent pour s’assurer une bonne place dans les recherches des  usagers permettent la rentabilité du système. Les  sites ou les portails  issus des grands médias traditionnels ont su également s’imposer comme référence. Le site  du Monde.fr par exemple rencontre un grand succès qui le place dans le top 20 des plus grands sites français,  loin devant TF1.

Les coûts et la révolution des valeurs

Le modèle publicitaire étant en train de s’imposer sur le Web, les moteurs de recherche et les portails en récoltent logiquement les fruits : leurs chiffres d’affaires énormes sont sans commune mesure avec ceux des médias traditionnels en ligne. L’affaire de la loi sur l’autorisation de la publicité pour l’alcool sur Internet à fait grand bruit mais appartient à la nécessité de financer les sites. Pour la presse écrite, le traumatisme est fort et la logique économique est remise en cause. L’information gratuite du Web crée une pression sans précédent sur les dirigeants de journaux et de magazines.

De plus, s’il est peu coûteux pour une rédaction audiovisuelle de publier des dépêches provenant d’agences de presse sur un site Internet, il est beaucoup plus onéreux pour une rédaction de journal de produire ou de récupérer des vidéos d’actualité. La question du coût de la propriété intellectuelle, la gestion par abonnement est encore tâtonnante.

Pour « une éthique de la cyberinformation » 

Internet est aussi devenu un des principal outil  pour la recherche des sources du journaliste. Cet outil fabuleux  permet  d’ouvrir plusieurs fenêtres simultanément sur le monde et a considérablement ouvert les perspectives de l’information, en même temps qu’il permet la libre expression des réseaux d’extrémistes ou de criminels.  Sur internet, comme sur les autres médias,  la nécessité d’établir un lien de confiance a déjà conduit de nombreux de sites proposant des informations à l’échelle planétaire et à des millions d’usagers  à assumer une responsabilité déontologique Pourtant plusieurs problèmes se posent qui interrogent directement la déontologie journalistique. Le développement libre et commercial du web a provoqué un développement spontanée et empirique des contenus. Pour des professionnels de l’information, la rationalisation et la hiérarchisation des informations contenus sur le web est une condition très importante pour permettre le tri des informations. Des recherches sont actuellement menées pour mettre en place de nouveaux moteurs de recherche, à vocation moins commerciale pour permettre des recherches d’avantage ciblées sur le sens de la recherche par exemple, la démarche du questionnement. . On doit reconsidérer l’usage d’internet  dans la recherche d’information journalistique. La multiplication des sources étant un élément essentiel de l’objectivité journalistique, internet ne peut pas devenir la seule source des journalistes. Les pratiques d’utilisation et de manipulation de ce média  doivent être perçues. La dispersion à l’infini du champ de recherches sur le web doit être délimitée et aller contre la facilité du copier coller. Ce  pacte cyber-déontologqie définit l’éthique de l’information se partage avec les usagers

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LES YES MEN 

« L’AFFAIRE BHOPAL »

Ces dernières années, le collectif des Yes Men a su faire parler de lui. Ces inventeurs de faux sites pratiquent l’usurpation d’identité d’organisations ou de multi-nationales et excellent dans l’art de l’auto-promotion et de la diffusion médiatique.   Ils  ont frappé fort,  le 3 décembre 2004, à Bhopal, pour la 20e commémoration de la tragédie. En direct , sur la BBC,  le porte-parole de Dow Chemicals, un Yesman déguisé, annonçait contre toute attente, la responsabilité assumée de l’entreprise dans la catastrophe, et s’engageait au nom de l’entreprise à dédommager les victimes  et à remettre le site en état.

Une catastrophe industrielle 

Dow Chemicals est l’entreprise qui a inventé et distribué le napalm et l’agent orange. La société venait  de racheter Union Carbide Corporation (UCC), propriétaire de l’usine chimique de Bhopal (Inde) qui a explosé le 3 décembre 1984 et provoqué près de 20 000 morts. Le site est entièrement pollué et des centaines de milliers de personnes sont actuellement victimes des maladies.

Un canular réussi?

La Nouvelle faut le tour du monde. Pour les Yes Men, qui avaient conscience du risque de choquer la population locale, « La première victoire, c’est que l’information a été largement diffusée et la catastrophe de Bhopal est revenue à la mémoire de beaucoup de ceux qui l’avaient oubliée. » Au cours des heures qui ont suivi la diffusion du communiqué, l’action de Dow Chemicals s’effondre, montrant également le cynisme des financiers.

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Orson Welles


l’anniversaire du plus grand canular du XXème siècle

 

En 1938, à 23 ans, le jeune Orson Welles signait le coup de sa carrière. Avec sa  petite troupe du Mercury Théâtre il diffusait depuis quelque temps sur les ondes une émission dans laquelle ils adaptaient de grands classiques de la littérature au format radio, Dracula ,L’île au trésor... Le 30 Octobre, le jeune comédien décide d’adapter le roman de son homonyme H.G Wells,la  Guerre des mondes . Il prépare son coup seul et présente une mise en scène radiophonique remarquable, à la première personne, mêlant l’illusion du réel à la sensation du direct. L’affaire fait grand bruit, certains auditeurs ayant cru à une attaque des Martiens. Cet épisode avait fait la notoriété d’Orson Welles.

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Les désobéissants 

En France, les groupes d’activistes médiatiques se développent également. « Les désobéissants », à Vichy, ont réussi à faire parler d’eux ; les 3 et 4 novembre derniers(2008), lors du sommet d’intégration européenne sur l’immigration organisé par Brise Hortefeux. Les membres du collectif, pour protester contre le pacte européen de l’immigration, s’étaient travestis de pyjamas rayés et portaient une étoile jaune avec des inscriptions comme  « sans papiers ». L’action a été relayée par une partie de la presse, mais avec les élections américaines, l’événement n’a pas  été développé suffisamment pour parler de « coup médiatique ».

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Rue 89 : portrait d’un nouveau média

 

rue89

Rue89 est un site internet créé par d’anciens journalistes de Libération, lancé le 6 mai 2007, jour du second tour de l’élection présidentielle française. Selon son rédacteur en chef Pascal Riché, le nom « Rue89 » a été choisi car la rue est un lieu de rencontre et de discussion, et que 89 est un chiffre chargé de valeur, qui évoque notamment la liberté et la chute du mur de Berlin. Michel Lévy-Provençal était l’un des fondateurs du site d’informations Rue89 . En mars 2008, à cause d’un désaccord sur la ligne éditoriale du journal et la stratégie adoptée par la direction il décide  de quitter la rédaction. Il s’en explique dans un billet qui a fait polémique. Le site montre le premier succès d’un média de type participatif avec des journalistes, des experts, et des internautes malgré certaines imperfections il a valeur d’ exemple sur le net.

 Extraits de la lettre de Michel Levy Provençal. 

Rue89 est une belle réussite Internet. Une réussite fonctionnelle, technique, ergonomique et graphique. Une réussite marketing aussi. Dans quelques semaines, un tour de table sera organisé et devrait valoriser la société près de 3 millions d’euros. Et pourtant, il y a comme un malaise… L’idée fondatrice du projet, « l’Info à trois voix » (la voix des experts, des internautes et des journalistes) n’est aujourd’hui qu’une caution, un slogan vide de sens.

Fin 2006 mes camarades de Rue89 et moi faisions le même constat : le journalisme était en crise. Les blogs commençaient à devenir une alternative aux journaux traditionnels. La blogosphère allait tôt ou tard devenir plus influente que les grands medias. Depuis trop longtemps l’édito avait remplacé l’info. Il fallait donc revenir à des fondamentaux et le journaliste devait se limiter à ce qu’il est censé le mieux faire : trouver, vérifier et rendre l’information de la façon la plus claire et la plus neutre possible. Nous voulions mettre les blogueurs et les internautes au coeur du projet. Le rôle de la rédaction était de privilégier les témoignages, de s’assurer que les faits et seuls les faits seraient rendus, de bannir le dogmatisme et d’animer le débat entre internautes. Le travail des journalistes devait se limiter à sélectionner les meilleurs contenus émanants d’experts, d’amateurs (souvent de blogueurs) et d’internautes pour fabriquer un journal d’un nouveau genre. En somme un projet d’interêt public.

 

«Ici, le bâton liberticide s’agite, là la carotte du marché demeure attirante » Alexandrine Civard-Racinais