La traque du 21, road-movie déjanté

La traque du 21, road-movie déjanté

Un trio de tueurs à gage improbables. Sans doute la BD la plus rock de la sélection.syndrome.jpg

 

Sur fond de chasse à l’homme, un pastiche du genre. Après Dérapage en 2005, David Cren et Renaud Cerqueux rendent un hommage burlesque au trait psychédélique de Crumb et au rock’n’roll. Ce thriller délirant bascule dans une épopée trash, loufoque et surréaliste, en voiture avec un trio composite de truands : Jared, coiffé à la Kurt Cobain, un as de la gâchette qui s’est fait sa philosophie de la vie en cours de biologie, Rossé-Luis, une caricature hispanique de l’escroc sadique et pervers et Ute, un monstre hermaphrodite à peau bleue et aux gigantesques mamelles. Elle est la créature d’un ancien SS du camp de Ravensbrück, qui continue ses expériences de clonage sur sa défunte épouse et qui a commandité l’assassinat.

En dehors de la mise en scène et des dialogues hilarants, la parodie rend le discours plus critique. Le Syndrome de Warhol propose une farce irrévérencieuse appliquée à la standardisation culturelle avec le rock’n’roll en ligne de mire. Les situations caustiques sont prétextes à des critiques philosophiques décalées sur les évolutions et les clichés du rock depuis la mort du King, en passant par Led Zeppelin ou Motörhead. La traque du 21 se déroule à Las Vegas alors qu’a lieu la dixième rencontre des sosies d’Elvis. Au milieu de ces centaines de clones, c’est l’histoire d’un homme muet, une icône désincarnée, un chiffre gravé sur le front, un original transformé en copie. En questionnant cette culture rock, les auteurs mettent le doigt sur la peur de la mort et le refus de disparaître. Une maladie de la reproduction et de l’identité en série. Un syndrome qui assassine le rock et confie sa conservation mortifère à l’esprit dérangé d’un ancien nazi dans une bande dessinée jubilatoire.

Lucie Servin

 

couv syndrome.jpgLe Syndrome de Warhol, de David Cren et Renaud Cerqueux.Éditions : Desinge & Hugo & Cie 
(Collection Factory).