Le cas Modotti, ou l’histoire mouvementée du XXe siècle

Le cas Modotti, ou l’histoire mouvementée du XXe siècle


couvtinaÀ Montreuil, le Mexique est à l’honneur. L’occasion de découvrir ou de redécouvrir la vie de la photographe Tina Modotti, figure 
fascinante du milieu artistique révolutionnaire et communiste de la première moitié du siècle passé. Un album remarquable.

Casetina« Lorsque je veux me souvenir de Tina Modotti, je dois faire un effort, comme s’il s’agissait d’attraper une poignée de brouillard, fragile, presque invisible. L’ai-je connue ou ne l’ai-je pas connue ? » disait Pablo Neruda. Pourtant Tina Modotti, « c’est quelqu’un dont il faut se souvenir », souligne Paco Ignacio Taibo II, écrivain mexicain, ami et allié dans cette aventure d’Angel de la Calle, pour décrypter la vie mouvementée de cette femme qui mourra dans des circonstances troubles en 1942.

musetinamodottiApatride, immigrée italienne aux États-Unis, Tina devient l’élève, l’amante et l’égérie du photographe Edward Weston. Star du cinéma hollywoodien, elle trouve sa voie politique auprès de l’intelligentsia mexicaine post-révolutionnaire. Expulsée du Mexique, elle abandonne la photographie pour la révolution. L’impressionnant travail de recherches révèle l’histoire complexe d’une femme à la beauté légendaire. Muse, amante et modèle, elle fut le symbole de la femme libérée, une artiste hors normes, une militante communiste active, dévouée, intransigeante et aveuglée.

Tina

De la Calle dresse surtout le tableau d’une époque. Le traitement graphique permet des mises en perspective par l’intrusion de séquences au présent qui mettent en scène le travail de l’auteur et ses questionnements sur le combat de la gauche dans l’Espagne contemporaine. L’aveuglement stalinien lorsque Tina devient l’agent du Komintern est problématique ; son implication dans les œuvres humanitaires comme lors de la guerre civile espagnole donne le sens de son engagement. Quelques planches plus travaillées évoquent des temps forts comme l’assassinat du Cubain Julio Antonio Mella, un de ses amours, ainsi que son renoncement poétisé à la photographie. Car la trajectoire de Tina Modotti interroge la compatibilité entre l’art et le combat politique. L’artiste s’efface devant les intérêts du parti et de la révolution. L’amour et la fascination de l’auteur pour Tina laissent la place au recul dans un hommage sans concession à une héroïne insaisissable.

Lucie Servin

Tina Modotti, d’Angel de la Calle (traduit de l’espagnol 
par Rachel Viné-Krupa). Coédition Vertige Graphic-Envie 
de lire, 26 euros.

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