L’Odyssée des Origines racontée par Isabel Greenberg
Dans L’encyclopédie des débuts de la terre, la dessinatrice britannique revisite le mythe des origines du monde et de la création. Un récit graphique dense et profondément humaniste.
Etrange et magnifique, cette Encyclopédie des débuts de la terre, d’emblée présentée comme fausse, en quatrième de couverture. Le doute s’insinue, invite à la lecture pour vérifier par soi-même. Isabel Greenberg signe ici un premier album à tiroirs, qui s’imprègne de l’ambiance des contes inuits. L’artiste britannique est surtout connue outre-manche pour ses courts récits publiés dans la presse (The Guardian, New York Times). Son talent de conteuse s’exprime ainsi dans cette sorte de grimoire de poésie et d’humanisme, à l’humour subtil comme son univers qui nous transporte de racontar en racontar à travers un récit des origines et de la création. L’amour inaugure l’équilibre, les pôles s’attirent, mais le magnétisme les oppose. Un garçon du nord rencontre une fille du sud, ils s’aiment et ne peuvent se toucher, alors ils se racontent, et c’est à travers le récit de ce garçon, devenu le Conteur du Pays du Nord que nous comprendrons la boucle, celle qui forme le début et la fin de cette histoire, en compilant les mythes fondateurs de l’humanité.
Une odyssée majestueuse servie par un graphisme tout en contrastes. Le dessin simple mais détaillé, hachuré au pinceau et en noir et blanc s’associe aux couleurs superposées comme des filtres, traduisant les atmosphères, la lumière, les éléments. Voiles graphiques, voiles symboliques. Tout devient langage. Le jeu des transparences à l’aquarelle suggère l’invisible, alterne les jaunes et les gris bleutés, le chaud et le froid, tandis que l’intensification des aplats dramatise les rouges de la violence ou les jaunes dorés du feu et des divinités. Les références culturelles sont nombreuses, l’artiste puise dans la Bible, les mythologies, l’épopée homérique, les légendes nordiques et l’histoire, elle aiguise la curiosité des lecteurs pour en dénicher toutes les inspirations. Mais au delà de ce mille feuilles d’histoires, le récit se tisse au fil des contes, de l’eau et du voyage. La barque navigue comme un leitmotiv, une métaphore à travers la destinée de ce garçon. Car c’est l’histoire de celui qui part à la recherche d’un bout égaré de son âme, de ce petit flocon lumineux qui s’est échappé pour atteindre le cœur de l’autre, réinventant la quête universelle de celui qui se cherche et qui se trouve dans l’altérité. Un recueil humaniste qui place le langage et l’amour aux origines de la terre.
Lucie Servin
->Encyclopédie des débuts de la terre, Isabelle Greenberg, Casterman, 176 pages, 24 euros