La Cité des Abeilles, une utopie réalisée

La Cité des Abeilles, une utopie réalisée

couvcentmaisonsDans, « 100 maisons, la Cité des abeilles », Delphine Le Lay, Marion Boé et Alexis Horellou, témoignent d’une belle initiative quimpéroise ou comment en 1950, cent familles réunies au sein d’une association ont construit leur propre quartier.

La mobilisation paye. Dans l’album Plogoff, le couple Delphine Le Lay et Alexis Horellou, fondateurs des éditions Vanille Goudron mettaient en scène la lutte des habitants pour empêcher la construction d’une centrale nucléaire qui aurait défiguré la pointe du Raz décidée en 1975PLOGOFF - C1C4.indd . Ils s’attachent cette fois à décrire une nouvelle initiative populaire à Quimper en 1950 conduisant à l’inauguration quatre ans plus tard, de la Cité des abeilles. Construites par cent familles réunies en association, cent maisons surgissent ex nihilo de cette mobilisation collective. C’est grâce au travail et à la coopération de Marion Boé, qui réalisait en 2008 un documentaire intitulé « 100 Familles » en retraçant l’histoire de cette aventure à laquelle avaient participé ses grands-parents,  que soixante ans après, le trio plonge au cœur du quotidien des familles et des réalités de cette formidable réussite sociale. Le témoignage réjouissant d’un élan de solidarité et de fraternité exemplaire.

citédesabeilles

L’esprit des Castors

«  Cent volontés et un même cœur : la devise des castors de Quimper doit servir de devise à la nation », affirme le Préfet du Finistère lors du discours d’inauguration officielle de la Cité des abeilles, le 18 juillet 1954. En 1945, l’heure est à l’urgence de la reconstruction. Sur le territoire aucune région n’a été épargnée, 25 % du parc immobilier national est détruit, et certaines villes sont intégralement en ruine à cause des bombardements. L’Etat tarde à mener de front une politique de logement à la hauteur des besoins, et pour pallier ce manque, le gouvernement encourage les initiatives individuelles de constructions ou de rénovations par la loi de 1948. Des associations émergent localement, engageant un mouvement d’auto-construction participatif et coopératif, qui prend peu à peu le nom de castors. La première expérience pionnière est celle de Pessac en 1948 qui donnera naissance aux Castors de Bordeaux. Le modèle essaime et inspire d’autres initiatives. Plus qu’une confédération telle qu’ils seront reconnus en 1954, le mouvement des Castors se conçoit d’abord comme un mouvement spontané et composé d’une nébuleuse d’associations indépendantes. Les idées se diffusent, et des projets voient le jour comme la Cité des Abeilles, portée par l’idée d’une cité idéale.

PLANCHECITE47
Les projets ne sont pas tous identiques et on voit comment par exemple à Quimper, les futurs habitants ont tenu à utiliser des pierres au lieu des briques pour leurs constructions. Ces initiatives se situent en marge d’un réseau proprement organisé, pourtant fédéré par un tissu d’aides et de soutiens mutuels. La Cité des abeilles témoigne ainsi surtout d’un état d’esprit qui pense la construction individuelle dans un groupement collectif, «Habiter en frères», explique le président de l’association Louis Hélaouet, en ajoutant :  «  Ce que nous proposons ici, c’est d’apporter à l’œuvre commune ce que chacun a de meilleur, de plus généreux. Faire taire l’égoïsme naturel. Celui qui vient avec l’idée de bâtir sa maison pour ensuite ignorer les autres n’a rien à faire dans notre association. Nous ne bâtirons pas chacun notre maison mais nous batirons ensemble notre cité. » (1) Une proposition explorée avec brio par les trois auteurs de cette fiction documentaire qui donne à voir le fonctionnement de la  solidarité au sein des relations et des familles.

PLANCHECITÉ19

Le dessin en nuance de gris d’Alexis Horellou tout investi au service de l’histoire, accompagne d’un trait réaliste, précis et dynamique la trame habile d’un scénario qui, sans jamais trahir les faits réels, s’insinue dans les problématiques domestiques, met en scène la gestion des drames, rendant ainsi compte de l’aventure individuelle et humaine.

cite2

Invité dans l’Abécédaire de la revue AAARG n°7 de ces mois-ci, le dessinateur commence à la lettre « A pour Alternatif » en expliquant :  « Tout ce qui pouvait se rapprocher du mot « politique » me fatiguait d’avance. Mais cette découverte d’autres modèles a finalement esquissé chez moi une conscience politique ».  C’est dire la portée de ces reportages. En donnant à voir l’histoire concrète des réalisations, l’aboutissement des projets collectifs, Plogoff et La cité des abeilles montrent pragmatiquement comment on peut lutter contre la fatalité, sans aucun triomphalisme, en énumérant au contraire tous les obstacles et les difficultés à surmonter. Les voies du possible sont ouvertes. Reste au lecteur l’unique espoir que ces reportages soient les deux premiers d’une longue série qui ne finisse jamais.

Lucie Servin

(1) Revue « Essor »  de la Cité des abeilles, Louis Hélaouet président de l’association des abeilles

100 maisons, La cité des abeilles, Delphine Le Lay, Marion Boé, Alexis Horellou, Delcourt, 144 pages, 14,90 euros

Le documentaire de Marion Boé, 100 familles réalisé en 2008.

  • Une rencontre dédicace prévue le samedi 14 février à 14h30, à la librairie Happy collector, rue Toul al Laër, à Quimper. En présence des auteurs de cette bande dessinée Alexis Horellou, Delphine Le Lay et Marion Boé. Rens. : 02 98 95 53 76.

Sur le mouvement des Castors, un article sur Christine Brisset et les castors d’Angers, sur le calamarnoir

Les sites des auteurs : 

planchecité91